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Livres et cie - Page 10

  • La Horde du Contrevent - Alain Damasio

    damasio.JPGAvec son deuxième roman après La zone du dehors (2001) Alain Damasio fait une entrée fracassante dans le monde littéraire. La Horde du Contrevent est un véritable chef-d'oeuvre littéraire d'une rare originalité. C'est à la fois envoûtant, déroutant et souvent tout simplement brillant. L'univers créé par Alain Damasio est tout simplement magnifique, un univers hors temps et hors espace où tout tourne autour du Vent et d'ailleurs l'unique but des 23 héros de ce roman est d'en découvrir l'origine.

    Cependant cette oeuvre totalement atypique risquera d'agacer plus d'un lecteur traditionnel de science-fiction. On est bien loin des règles du genre, ce qui met ce roman finalement en marge de la science-fiction. Ce roman s'adresse finalement à tout lecteur voulant s'immerger dans un imaginaire toujours surprenant et magique à souhait.


    L'expédition de cette 34e horde nous est racontée de l'intérieur même de la Horde. A tour de rôle et sous forme de brefs chapitres les différents témoignages des 23 personnages nous sont relatés. Chacun a son style et sa propre façon de voir les événements qui se produisent, les différents personnages étant distingués par des signes de ponctuation. Ce va-et-vient continu entre les différents personnages confère au récit un dynamisme tourbillonnant d'une exceptionnelle fluidité et nous fait ressortir une galerie de personnages incroyablement vivants et proches de nous. De ces différentes voix ne sort à la fin finalement qu'une seule harmonieuse représentant chacun des membres de le Horde. S'en sortir avec 23 narrateurs différents n'est pas chose aisée et le lecteur s'y perdra hélas bien de temps en temps.

  • La conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole

    imbecies.JPGIl y a de ces livres qui semblent sortir de nulle part... tout comme notre désir de les lire d'ailleurs. Quand il s'agit d'un roman écrit par Amélie Nothomb, Borges et Paul Auster, on se trouve en terrain familier. Mais quand nos mains tombent par hasard sur un "John Kennedy Toole", on doute. À plus forte raison quand le titre est La conjuration des imbéciles. Et pourtant...

    La conjuration des imbéciles, c’est près de cinq cent pages d’un délire continu dans lesquelles « évolue » Ignatus J. Reilly, un Tanguy moustachu dans la trentaine, médiéviste universitaire sans emploi et cloîtré chez sa mère. Heureusement pour nous, Ignatus est aussi impoli et disjoncté que Tanguy pouvait être manipulateur et poli. Obèse, paranoïaque et grossier, il doit trouver un emploi suite à un malheureux et onéreux accident de voiture causé par sa maman.

    La conjuration des imbécile, c’est l’histoire d’Ignatus, obnubilé par son Journal d’un jeune travailleur (qu’il signe Daryl), qui travaille avec nonchalance pour les Pantalons Lévi, puis pour un marchand de hot dog ambulant. Avec un bagou sans pareil, il passe au crible la société «décadente» dans laquelle il vit.

    Toole nous présente aussi plusieurs autres protagonistes qui gravitent autour d'Ignatus, dont le policier Mancuso, astreint aux tâches les plus ridicules (dont surveiller des toilettes publiques), de même que Jones, un Afro-Américain/Moulin à paroles exploité par sa patronne. Sans oublier Myrna Minkoff, une idéaliste qui est la seule à se soucier encore d'Ignatus et qui lui envoie des lettres à saveur psychanalytique.


    La conjurations des imbéciles nous fait rire tant par ses situations surréalistes que par le langage des personnages.


    Il ne faut surtout pas se laisser décourager par la couverture quelconque et l’écriture très petite. Ce livre est un délice d’âneries qui nous ravit. L’assurance d’Ignatius est déroutante, et même dans les situations extrêmes on ne peut même lire de mauvaise foi de sa part.

    John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles [trad. de l’anglais par Jean-Pierre Carasso], éd. 10/18, 2005, 478 pages, ISBN 2-264-03488-2.

  • Rites d'automne de Dan O'Brien -

    automne.JPGDan O'Brien est spécialiste des espèces en voie de disparition et fauconnier. Il a travaillé dans un organisme, le Peregrine Fund, a réintroduire le faucon pèlerin, qui avait quasiment disparu aux Etats-Unis du fait de l'utilisation du DDT. Ce livre est le récit de sa tentative d'apprendre à Dolly, une jeune femelle, la chasse et la vie sauvage dans le but de lui rendre la liberté.

    Accompagné de ses deux chiens et d'amis rencontrés sur la route, il va patiemment aider Dolly à chasser, lui faisant poursuivre et attraper des proies de plus en plus rusées et difficiles à capturer. Il raconte ainsi l'apprentissage du faucon, l'arrivée de l'hiver, il décrit simplement des paysages et des animaux qui ont l'air magnifiques. Il s'attarde également sur des considérations écologiques, sur la place de l'homme dans la nature, sur l'incompatibilité de notre système économique et de notre société avec une vie en harmonie avec la nature.

     

    Enfin il décrit admirablement bien cette merveille de la nature qu'est le faucon pèlerin, chasseur hors pair, pouvant atteindre des vitesses folles en piqué, mais pourtant très fragile. On se rend compte en lisant O'Brien que même la vie du plus rapide et du plus puissant des prédateurs ne tient qu'à un fil : un accident, une aile cassée, et c'est la mort car toute chasse est devenue impossible. Le respect que l'on ressent pour cet oiseau et pour toute vie sauvage n'en est que plus grand.

  • La dernière conquête du Major Pettigrew, de Helene Simonson

    On a moins l’habitude d’entrevoir l’Angleterre a travers un racisme larvé qui ne dit pas son nom. Si ce pays offre l’image d’une intégration réussie des immigrés des anciennes colonies de l’Empire Britannique, une cohabitation sereine entre les différentes cultures et religions, l’ancienne bourgeoisie coloniale fait de la résistance. Que des Pakistanais tiennent l’épicerie du coin, on s’en accommode fort bien; on irait même jusqu’à apprécier leur présence qui ajoute un côté exotique au village. Tant que chacun reste dans sa communauté.

    Car les habitudes ont la vie dure, et pour ces anciens colons qui ont connus les Indes Britanniques et la gloire de feu l’Empire, difficile d’admettre qu’un citoyen de sa Majesté s’entiche d’une jolie veuve pakistanaise, qui plus est commerçante de son état. Quant au fils du Major, brillant financier de La City, il n’accorde sa bénédiction qu’aux projets présentant un intérêt certain, et l’arrivée de madame Ali dans la vie de son père risque de desservir ses plans de carrière.

    Pour autant, Helen Simonson ne fait aucunement preuve de prosélytisme et reste en retrait par rapport aux opinions de ses protagonistes. Le lecteur s’interroge face à ce roman équivoque: à travers des personnages hauts en couleur, l’auteur relate des états de fait et ne porte pas de jugement sur les errements et les vices de ses compatriotes.  Cette liberté de ton est fort appréciable, et on n’attendait pas moins de délicatesse de la part d’un écrivain britannique.

    JE VOUS LE CONSEILLE SI…

    … vous n’êtes pas trop à cheval sur la cérémonie du thé. Enfin, Major, quelle mouche vous a piqué? Récurer à blanc une théière que vous avez mis des années à culotter, quel sacrilège!
    … vous aimez les atmosphères très British, la campagne et sa noblesse, les parties de chasse, les bonnes manières d’un raffinement suranné et les préjugés tout aussi dépassés. Et surtout, le tea time présent à chaque page!

  • Littérature Fantastique : Terrienne de Jean-Claude Mourlevat, Gallimard

    terriene.JPGAnne fait du stop au bord d’une route d’Auvergne. Étienne Virgil, vieil homme mélancolique, s’arrête et la conduit à sa demande jusqu’au panneau indicateur pointant vers « Campagne 3,5?. Anne est à la recherche de sa sœur, disparue une année plus tôt le soir de son mariage, et ce panneau est le seul indice qu’elle possède. Cette mystérieuse route est un passage, une ouverture vers un autre monde, un monde parallèle blanc, aseptisé, glacial peuplé de créatures humanoïdes dénuées de sentiments, d’ êtres qui ne poussent pas un soupir, qui ne respirent pas ! Avec l’aide d’Étienne, Anne va découvrir qu’un étrange trafic prend place entre les deux mondes: les dignitaires font enlever des terriennes pour en faire leur compagne et Gabrielle, sa sœur, est retenue prisonnière quelque part dans cet étrange univers.

    Étrange, poétique, effrayant, les mots me manquent pour parler de mon premier voyage dans l’univers de Jean-Claude Mourlevat. Une promenade que j’ai effectué d’une traite, non-stop, le temps d’un après midi tant j’ai été émerveillée et époustouflée par Terrienne.

    La société de l’autre monde décrite par Jean-Claude Mourlevat est une communauté froide, pesante, sans vie. Tous les plaisirs y sont proscrits, l’individu y est programmé dés sa naissance, manipulé par ceux qui ont le pouvoir. Dans ce monde, on ne meurt pas: on cesse de vivre tout simplement. L’individu s’assoie, s’ennuie, ne bouge plus et est emporté loin des regards pour être incinéré et disparaître. Les humains y sont considérés comme des créatures inférieures, dangereuses car sales et porteuses de microbes. Et surtout, ils respirent.

    La jeune Anne est donc en constant danger dans ce lieu où le moindre soulèvement de poitrine, le moindre soupir, le moindre souffle peut vous conduire tout droit à la mort. Malgré la peur et la solitude, l’adolescente est prête à tout pour retrouver sa grande soeur, pour répondre à son appel au secours qui a résonné à travers les ondes hertziennes. Les personnages secondaires ne sont pas en reste : eux aussi risquent leur vie à aider cette humaine. Contrairement au monde blanc et indifférent dans lequel ils évoluent, ils se montrent incroyablement attachants, terriblement libres et humains.

    Sur fond de Barbe Bleue et de Somewhere Only We know de Keane, Jean-Claude Mourlevat nous balade d’un personnage à l’autre, passant d’un narrateur, d’une pensée à une autre. Bien que tous différents, tous les protagonistes ont un point commun: celui de vouloir vivre, être libre et aimer malgré le monde auquel ils appartiennent. Terrienne est une histoire très bien construite, un récit émouvant mêlant aventure et suspens, espoir, peur et instants de bonheur, c’est un rêve qui vire au cauchemar.

  • Prélude à fondation d'Isaac Asimov

    asimov.JPGDans le cycle de "Fondation", Asimov imagine le futur de l'humanité. Il commence avec l'effondrement d'un empire galactique qui se décompose. Un savant, Hari Seldon, invente une nouvelle science, la psychohistoire, basée sur la loi des grands nombres et le calcul des probabilités qui permet de « prévoir l'avenir », ou, plus exactement, de calculer les probabilités de différents avenirs.

    Initialement construit comme une trilogie (1950-1955), "Fondation" fut augmenté de deux volumes au début des années 1980 sous la pression des éditeurs et admirateurs de l'auteur. Ces deux nouveaux tomes (Fondation foudroyée et Terre et fondation) devaient en quelque sorte boucler la boucle du cycle.

    Malgré tout, Asimov décide en 1988 d'écrire "le premier roman du cycle". Plutôt que d'offrir un sixième tome qui reprendrait là où se terminait Terre et Fondation, il publie (d'abord sous forme de feuilleton) Prélude à fondation. Le récit se déroule sur la planète Trantor, le centre gouvernemental de l'Empire, alors qu'un jeune mathématicien, Henry Seldon, vient tout juste de participer à un colloque mathématique. Le sujet de son exposé : la psychohistoire, soit une nouvelle théorie employant statistiques et histoire qui pourrait permettre d'extrapoler certains mouvements du futur. Il ne s'agit pas là de prédire l'avenir, mais bien de le rendre moins flou.

    Une telle annonce, au coeur de l'Empire, attire rapidement l'attention des hommes de pouvoir de la planète, ce qui force rapidement Seldon à fuire dans la dédales de la planète. Ce voyage à travers les différents secteurs de Trantor lui permet de découvrir ce que l'Empereur lui-même refuse de voir : l'Empire ce désagrège. Partout des communautés indépendantes se sont constituées. La haine envers l'empereur est manifeste. Dès lors, la question n'est plus de savoir si la psychohistoire pourra empêcher la chute de l'Empire, mais tout simplement s'il n'est pas trop tard pour intervenir.

    Prélude à fondation est aussi créatif et captivant que les autres tomes du cycles. Asimov aura pris soin de conserver un style identique (chapitres courts, intrigues complexes et multiples, etc.) tout au long du cycle. Il reste que Prélude à fondation "vend" certains éléments clés du cycle "Les robots". Je conseille donc aux amateurs de science fiction de lire d'abord le cycle "Robots" avant de vous lancer dans Fondation.

    Isaac Asimov, Prélude à fondation [trad. de l'anglais par Jean Bonnefoy], éd. Pocket, 2005 [1990], 446 pages, ISBN 226615253x.