Gimpei, un professeur sans famille, préoccupé par la laide déformation de ses pieds, est chassé de son école pour une affaire avec une élève d'une classe sociale plus haute. Il rêve de la beauté des jeunes femmes tout en souffrant de leur inaccessibilité. Il suit parfois une femme dans la rue, tirant bonheur du seul reflet des deux silhouettes dans l'eau d'un lac. Un jour, une femme, se sentant suivi par lui, le frappe au visage avec son sac, le sac tombe et la femme s'enfuit. L'homme ramasse le sac qui contient un grand capital de billets de banque. Sans avoir volé, il se sent coupable d'un vol. Mais la femme, au moment de jeter le sac d'argent, a senti un frisson de plaisir, due au fait que cet homme était jeune. Pour elle, c'est un souvenir plus fort que la déception de la perte; elle veut en garder le secret souvenir et ne dépose pas de plainte. La raison: cette femme se sent toujours sale dans sa fonction de servante-maîtresse d'un vieillard, le directeur de l'école, qui a aussi une servante-soignante et elle s'est sentie pure par le contact fugitif avec l'homme la poursuivant. Elle se console toutefois de la perte en soutirant la moitié de l'argent perdu au vieillard.
Le professeur destitué, tout en suivant parfois une autre étudiante, cherche la jeune fille. A leur nouvelle rencontre, Gimpei découvre qu'elle non plus n'a pas oublié les frissons. Il avertit la fille que les classes sociales les séparent et qu'il faut l'oublier, lui-même ne l'oubliera jamais. La fille disparue, il cherche à la revoir quand même pendant une fête de chasse aux lucioles au bord du lac. Mais il y rencontre une autre jeune fille, petite amie d'un étudiant malade, qu'il va suivre à distance et cela le fait rêver sur le souvenir d'un bébé déposé avec une lettre devant sa porte et qu'il a reporté au bordel. Un bordel où des prostituées étaient mises en réquisition pour "défense passive" qui consiste à servir les jeunes futurs soldats et lequel il avait visité trois ou quatre fois. La journée se termine avec la rencontre d'une femme laide. En allant à l'hôtel de passe, il s'esquive au dernier moment pour retourner seul dans sa chambre.
Un livre dépaysant : une vue assez surprenante sur la société japonaise. Il n'y a pas de grands moments, mais il y a pas mal de petites scènes ahurissantes. Par de minitieux traits de plume, l'auteur sait rendre manifeste une palette de sentiments divers. Un exemple est le frisson de plaisir à la perte du sac. Un autre exemple est Gimpei qui entre en contact avec la jeune fille en parlant de ses champignons d'orteils, après coup il se trouve tout bête, et plus tard en classe il entend ses élèves le questionner sur ses champignons d'orteils... qu'il n'a pas : pure invention sortant de son obsession des pieds déformés.
Le livre est assez complexe, les phrases traduites du japonais ont parfois des tournures étranges. L'histoire a une ligne de temps peu claire; mais il pourrait s'agir finalement d'une seule soirée avec des retours en arrière et des changements de sujet parfois abrupts, tels que le bébé, ou le souvenir de la mort du père de Gimsei, noyé dans le lac de son enfance, meurtre ou accident.
Lecture difficile, donc. Ce n'est pas un coup de coeur, mais puisque c'est un livre assez profond et à cause du dépaysement senti.
Le lac Yasunari Kawabata, (LGF - Livre de Poche, 2004, 125 p.)