La sortie d’un nouveau livre de Michel Houellebecq est toujours un événement. Impossible de passer à côté. La machine médiatique s’empare du phénomène et l’écrivain, malgré quelques passages télé plutôt ratés, fait parler de lui. Cette année, avec la carte et le territoire, ne fait pas exception, car elle voit l’auteur couronné du prestigieux prix Goncourt 2010.
Michel Houellebecq laisse rarement indifférent. On adore ou on déteste, on le lit avec passion ou on le fuit, on le respecte ou on a envie de voir son nom disparaitre des rayons de librairies. Pur génie pour les uns, supercherie littéraire pour les autres, l’auteur est devenu incontournable. Pour ma part, si je pense que Houellebecq mérite amplement le prix Goncourt pour son travail d’écrivain, je suis nettement moins convaincu que c’est avec ce dernier opus qu’il devait être consacré.
Après nous avoir parlé dans ses précédents ouvrages du tourisme sexuel, du clonage humain, de la déshumanisation du monde de l’entreprise, en une sorte de carte de voeux 2020 , Houellebecq aborde ici le monde de l’art. Son héros, Jed Martin, est un artiste dont le succès arrive en photographiant des cartes Michelin. Hétéroclite, le reste de son oeuvre sera faite de peintures, telles que « Bill Gates et Steve Jobs s’entretenant du futur de l’informatique », toiles qui s’enlèveront à prix d’or, et dont le summum sera atteint quand il se décidera à peindre Houellebecq lui-même.
L’auteur se met donc en scène, avec humour, se moquant de sa propre personne ainsi que d’autres personnalités comme Beigbeder ou Umberto Eco pour ne citer qu’elles. Toujours aussi cynique sur la société, dans la carte et le territoire , Houellebecq nous dépeint des rapports humains assez sombres. Jed Martin passe le réveillon avec son père, la plupart du repas se déroulant en silence; il partage un temps des moments intimes avec Olga, une Russe magnifique (relation peu crédible néanmoins), avant qu’ils ne se séparent; il voit son existence profondément troublée par un chauffe-eau défaillant, seul élément qui semble vraiment l’émouvoir… Bref, Houellebecq nous offre encore ici une vision désabusée du monde.
Pourtant, ce livre se détache quelque peu des précédents. Moins de sexe, moins provocant, moins glauque, moins politiquement incorrect… mais moins d’émotions aussi. Le roman est froid, distant. Si les livres de Houellebecq ont toujours mélangé l’aspect romanesque aux réflexions de société, le dosage parait moins réussi ici, ne parvenant qu’à distiller un léger ennui. Et on se retrouve comme son héros, un peu désabusé, attendant que ça passe, poursuivant une lecture sans joie. J’ai cependant trouvé la troisième partie plus réussie, j’y ai retrouvé un Houellebecq plus percutant, plus incisif dans sa démarche. Hélas, le bilan global est décevant.
Malgré tout, les critiques (du métier, de vrais professionnels quoi !) sont plutôt élogieuses. N’oublions pas non plus ce fameux prix littéraire qu’est le Goncourt. Difficile de comprendre… Après avoir été malmené par une presse parfois assassine (qui visait plutôt l’auteur, il est vrai), voici qu’un roman moins percutant reçoit des louanges de tous bords. Bref… Malgré un tapage médiatique qui le dessert quelque peu, Michel Houellebecq reste un grand écrivain dont l’intérêt principal est cette vision de notre société qu’il nous dépeint sans concession. Rien que pour ça, il mérite d’être lu.
La carte et le territoire - Michel Houellebecq Ed. « Fammarion« , 428 pages