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Livres et cie - Page 6

  • chronique du livre de Marie Phillips - les dieux ne valent pas mieux !

    Artémis en dog-sitter, Dionysos en gérant de boîte de nuit et DJ, Apollon en médium présentateur d'une émission de télévision, Aphrodite  en hôtesse de téléphone rose... mais qu'arrive-t-il aux Dieux de l'Olympe ? Parce que le temps de la foi est loin, parce que leurs temples ressemblent dorénavant à des taudis délabrés, parce que plus personne ne pense à faire des sacrifices en leur nom... les dieux sont tombés bien bas...

    « - je ne crois pas que les gens, de nos jours, tiennent particulièrement à l'amour - au vrai amour, du genre compliqué. Ils aiment bien les préliminaires romantiques et - passe-moi le mot - le coït, mais ensuite, quand la passion s'épuise et qu'il faudrait s'engager, ils jettent l'éponge.

    - Où veux-tu en venir?

    - J'y viens. Ils n'ont plus besoin de nous. Ils ne veulent plus de nous. Ils ne se souviennent même plus de nous ».

    Dans un quartier mal famé de Londres, les dieux, qui ont perdu leurs pouvoirs d'antan, ont élu domicile, et cherchent à tuer le temps. Eros se convertit au christianisme, Athéna tient des conférences dans le salon, Arès s'amuse à faire la guerre... Jusqu'au jour où Artémis décide d'engager une femme de ménage...

    Neil, ingénieur ; et Alice, une technicienne de surface d'une boîte produisant des émissions télé, vivent parallèlement un début de relation amoureuse, n'osant pas se révéler leurs sentiments. Alice décide alors d'inviter Neil à assister à l'une des émissions d'Apollon. Sauf qu'Aphrodite, pour se venger d'une petite broutille, décide qu'Apollon devra tomber amoureux de la première personne dont il croisera le regard. Par le plus grand des hasards, le destin décide que ce sera Alice...

  • avis sur le livre de Knud Romer - Cochon d'Allemand - FIN

    romer.JPGC'est dans cet univers que Knud, un jeune enfant (le narrateur) évolue. A l'école, il devient le bouc émissaire, un « cochon d'allemand ». Tout le monde se moque de lui : il est habillé à la mode allemande, mange des sandwiches allemands, roule avec un vélo allemand... C'est un récit tragique, émouvant. A l'âge où l'on doit rêver, Knud raconte ses cauchemars, loin de la naïveté, de la candeur et de la fraîcheur qui devraient caractériser son enfance.

    L'auteur-narrateur croise les personnages, raconte des anecdotes, mais sa mère reste le sujet majeur du roman : « Ma mère vivait en pays étranger, aussi seule qu'un être humain puisse l'être. Depuis qu'elle avait été toute petite, elle n'avait fait que perdre des personnes chères, l'une après l'autre, et rien au monde - même pas la bouteille de vodka dans le placard de la cuisine - ne pouvait la consoler ».  C'est le récit d'une femme courageuse, qui après la guerre, est contrainte d'en commencer une autre : celle de la reconnaissance.

    Ce roman magistral a reçu de nombreux prix au Danemark. Avec une touche d'humour, mais un ton général plutôt dramatique, il saura toucher tout le monde, en ces temps où le devoir de mémoire semble occuper tous les esprits. Il était important aussi de parler de ces allemands, qui, parce qu'ils étaient allemands, ont été, dans les années 50, discriminés à l'étranger, dans les pays autrefois occupés par les nazis. Car les victimes ne sont pas seulement les juifs, les tziganes, les soldats mutilés...il y a aussi toutes ces victimes morales, auxquelles la guerre a retiré une partie de leur vie, leur innocence, leur insouciance... c'est en leur nom que Knud parle. Pour sa mère, pour lui, et pour tout ces « cochons d'allemands » qui ont dû subir l'indifférence, la méchanceté et la diffamation après-guerre, en toute impunité.

    Une vérité à faire entendre. 

    Références

    • Knud Romer cochon d'allemand

    • Editions Les Allusifs numéro 056

    • 183 pages, août 2007

  • Knud Romer - Cochon d'Allemand

    cochon d'allemand.JPGVu de l'extérieur, on pourrait dire que la famille Romer est une famille normale, qui connaît des hauts et des bas, mais a réussi à traverser la seconde guerre mondiale sans trop de dégâts, si ce n'est pour la grand-mère maternelle, défigurée par une bombe, et l'oncle Helmut, à qui le front a laissé quelques traces psychologiques. Mais les biens ont été sauvé, et tout le monde a survécu, et c'est là l'essentiel.  

                Vu de l'intérieur, les Romer connaissent pourtant l'enfer : le grand-père paternel, visionnaire, plein de projets, échoue dans toutes ses entreprises, et finit emporté par une tumeur au cerveau. Papa Schneider, le grand-père maternel, laisse sa vie sur une table d'opération, pour une intervention pourtant bénigne. Hildegard, la mère, est une femme amoureuse mais éprouvée. Après avoir vécu la guerre en allemande sans jamais être tombée dans le nazisme, elle vit au Danemark où elle a rejoint son mari à Nykøbing. C'est une ville calme, mais « quand on est dedans, on ne peut pas en sortir, et quand on est dehors, on ne peut y entrer ». Alors, lorsqu'on a un secret, il ne perdure pas longtemps en ces lieux ! Mme Romer est considérée comme une « Bosch », une « sale allemande » qui ferait mieux de retourner d'où elle vient. Dans les années d'après-guerre, le ressentiment est grand envers les allemands, jugés responsables de toutes les privations dues aux occupations.  La scène des courses, où les commerçants lui fournissent des produits périmés, par pure acte de méchanceté est saisissante. Seule, elle se met à boire, et à ressasser ses souvenirs. Le père lui, tente de sauver les meubles, fait mine d'ignorer :  

    « nous vivions dans la solitude, séparés du monde entier, mes parents n'avaient pas d'amis, pas de connaissances, ne fréquentaient personne. [...] les autres avaient coupé la branche que nous constituions. Aussitôt je me les imaginai en train de manier la hache, je vis le sol jonché de nos corps démembrés - une cruauté qui me semblait incompréhensible. »

     

  • Monnaie de verre - Frédéric Grolleau


    monnaie.JPGVenise – plus exactement Murano – , à la fin du XVII
    e siècle ; voilà pour le décor et l’époque. L’intrigue, maintenant : une jeune fille – belle et intrépide, comme il sied à une héroïne – dérobe par vengeance à son maître-verrier de père les précieuses formules dont dépend la qualité de ses productions. Il faut dire que l’auguste patriarche avait ordonné à ses trois fils d’assassiner l’amant de sa fille. Rivalité entre familles oblige. Tandis qu’on est emporté par les développements de cette tragédie mâtinée d’espionnage, on apprend, à l’occasion, à partir de quoi se fabrique le verre, ce qui conditionne sa finesse, sa transparence, ses couleurs…


    Mais qui limiterait sa lecture à celle d’un thriller historique associant avec brio suspense et érudition commettrait une erreur et se priverait de l’aspect peut-être le plus séduisant du roman.
    Monnaie de verre est en effet éminemment ludique ; moins par les multiples rebondissements et péripéties que par les références dont le texte regorge. Références qui d’ailleurs vont du simple clin d’œil – tel le titre du premier chapitre, «Arsenic et belles dentelles» – aux mises en abîme plus subtiles ; ainsi les jeux de transparences et d’opacités dont le verre se fait le creuset se transposent-ils aisément dans le texte, où les nombreuses épigraphes, les locutions non traduites en fin de chapitre et les notes font assaut d’ambivalence en offrant des clefs tout en obstruant la lisibilité. Il y a surtout le style, léché à l’extrême, précis, nourri de tournures complexes et de mots rares, longs en bouche, goûteux à souhait ; un style qui ménage, par petites touches ironiques, une distance rédhibitoire entre le narrateur et le texte et, partant, entre celui-ci et le lecteur ; un style aussi qui manie les métaphores brillantes et audacieuses, telle celle appliquée au viol – trois mots dont la puissance est accrue par l’ellipse verbale : «Un autodafé anatomique.»


    Enfin, il faut évoquer le joyeux brassage de clichés littéraires qui, mis au service de l’intrigue, n’en sont pas moins déconstruits par l’ironie du ton ou bien les astuces de construction. Ainsi, pour satisfaire aux attendus du polar, l’action commence-t-elle dès la première phrase : «A plusieurs reprises, les trois assaillants plongèrent leur lame dans le corps du malheureux.» Mais cette fracassante entrée en matière se complexifie aussitôt ; le moment de l’agonie est étiré aux dimensions d’un chapitre entier, dilaté à coups d’acrobaties chronologiques insufflant ici et là toutes sortes d’informations qui ancrent le récit dans un contexte à la fois historique et narratif.
    Tout concourt donc à rendre impossible une posture de lecture stable : l’on est entraîné de droite et de gauche, bousculé à l’envi dans ses habitudes de lecture. Mais avec, à la clef, cet indicible plaisir de se laisser prendre à un jeu dont on n’est pas tout à fait dupe – sans être certain pour autant de quoi que ce soit…


    Le plus bel hommage à
    Monnaie de verre eût sans doute été un article au énième degré, maniant pour mieux les moquer tous les poncifs de la critique littéraire. Nous nous contenterons de céder à l’un des attendus de celle-ci – sans recul aucun, et avec un enthousiasme pleinement assumé – en invitant les lecteurs à se plonger sans tergiverser dans ce livre tant sa lecture est jubilatoire, hautement jouissive et enrichissante.

    Monnaie de verre ,  Frédéric Grolleau
    Titre :
    Monnaie de verre
    Editeur :
    Nicolas Philippe
    Collection :
    Année :
    2002
    Prix indicatif :
    19,50 €

  • Les Belles Ténébreuses de Maryse Condé

    belles.JPGLes Belles Ténébreuses’ ont surtout le parfum noir du mystère. Des tubéreuses en robe de nuit, fauchées en pleine jeunesse et que l’on embaume pour en préserver l’arôme. Mais le thanatopracteur-docteur Ramzi, trop beau pour être honnête, cueille trop de fruits sans s’en défendre... Sous sa protection, sous son emprise, le jeune Kassem va de surprises en désillusions, et cherche désespérément un père et une identité tangible. Le manipulateur et l’antihéros. Un cocktail détonnant, surprenant savamment dosé par Maryse Condé.


    Rares sont les romans qui incarnent autant de genres, autant de préoccupations. Sur fond d’intrigue digne d’un polar, flirtant avec les codes du roman d’apprentissage, l’écrivain interroge le sens des origines, la filiation, les liens - bien lâches - du sang, l’obstination à se reconnaître dans un groupe, l’absolutisme politique, l’obscurantisme religieux, la fidélité... Le tout sur le ton de la légèreté, car l’humour, pour Maryse Condé, relève d’une véritable philosophie. L’écrivain interpelle son lecteur, blague, se moque même de son jeune héros et de son enracinement incertain, opportuniste. Elle tourne en dérision tout un monde marqué par le terrorisme, l’émigration sud-nord, le tourisme de masse, les amalgames, le délit de faciès, etc.

    Rien ne fait peur à Maryse Condé. Surtout pas les mots, qu’elle envoie valser sans manière, incroyablement moderne, tant dans son sujet que dans sa liberté de langage. Un roman totalement postmoderne, pleinement conscient des fluctuations, des nouvelles réalités identitaires, de l’élargissement de l’univers de chacun. Sous la plume de Maryse Condé, la tragicomédie ne manque pas de sel ni de piquant. Elle enchaîne rebondissements et mésaventures, sans relâche, dans un tourbillon fantaisiste et jubilatoire.

    Les Belles Ténébreuses de Maryse Condé

    Editeur : Mercure de France
    Publication :10/4/2008

  • Juliet, naked de Nick Hornby

    juliet-naked.JPGAnnie et Duncan, couple quadragénaire anglais (plus que) moyen voit leur relation battre dangereusement de l'aile ; il faut dire que monsieur passe davantage de temps à vénérer Tucker Crowe, icône rock has-been devenu célèbre après avoir quitté brutalement et sans aucune explication la scène musicale, que de choyer madame... Mais un échange épistolaire entre Annie et Tucker ainsi que de multiples voyages à travers la Grandeva complètement changer la donne et bouleverser la vie de chacun...

    Brillant écrivain générationnel , Hornby retrouve ici son meilleur niveau (cf Haute fidélité) en combinant les ingrédients qui ont contribué à son succès : influence de la musique dans la vie quotidienne, portrait saumâtre de la vie conjugale, humour tendre et so british...

    A la fois drôle et touchant, Hornby pose ici une question essentielle : celle de la difficulté d’aimer, par-delà les choix et conséquences inattendues du temps qui passe inexorablement.

    « Juliet, naked » par Nick Hornby, 10/18.