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Repère : les Traditions de pensée dans l'ethnologie

Ce qu’on appelait jadis l’histoire des idées doit également être revisité, pour bien faire ce retour critique sur l’histoire de la discipline.

Comment la pensée se diffuse-t-elle dans telle communauté de savants, en particulier en ethnologie ?

Il faut d’abord tenir compte de l’effet de « génération intellectuelle », cette « classe d’âge dont les membres proviennent d’une matrice homogène » (notion définie par Sirinelli, 1994), mais aussi comprendre comment les idées et les pratiques se transmettent d’une génération intellectuelle à l’autre… S’il existe en effet des maîtres à penser ou des « modèles » qui ont influencé des groupes d’élèves, il y a eu par ailleurs des « transfuges », venus d’autres horizons, qui amenèrent des idées neuves.

En outre, au-delà des rapports interindividuels, il faut tenir compte d’effets de pensée collective qu’on désigne sous le terme de « traditions de pensée », terme entendu dans son acception la plus large et pas seulement académique, c’est-à-dire à comprendre comme tout ensemble formel de théories explicatives se diffusant dans des groupes d’individus, soit oralement soit par le biais d’un média…
En effet, on ne peut se résoudre à relever uniquement les transferts d’idées entre les différentes sphères du monde savant – par exemple, proximité avec la philosophie dont Marc Abélès (2006) remarque l’impact dans toute théorie anthropologique : il faut aussi tenir compte des courants politiques (le socialisme de Rivet imprègne son diffusionnisme, dit Christine Laurière, 2006) mais aussi de traditions de pensée moins institutionnalisées mais tout aussi importantes : ainsi Wiktor Stoczkowski (1999) note-t-il l’importance du courant ésotérique (dans sa version « savante », et il faut citer ici l’influence centrale qu’eut René Guénon dans les générations des intellectuels des années 1930) chez de nombreux anthropologues – cela a été analysé par exemple dans le cas de Louis Dumont (Assayag, 1998) ou encore de Marcel Griaule (Ciarcia, 2003). Autre exemple moins connu : le folkloriste André Varagnac ira même jusqu’à élaborer, dans les années 1970, une théorie « paranormale » pour les premiers habitants de l’Europe, porteurs dune « archéocivilisation » et supposés dotés de pouvoirs psychiques aujourd’hui disparus (Meyran, 2005). Chez ce dernier, on trouve aussi des traces nettes d’une pensée écologique dont on retrouve des échos dans l’ethnologie de la France, jusqu’à aujourd’hui. Il apparaît donc nécessaire de se livrer à une enquête sur l’enchevêtrement des diverses formes de pensée, fussent-elles savantes et universitaires, ou souterraines, « sauvages » et apocryphes.

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