‘Les Belles Ténébreuses’ ont surtout le parfum noir du mystère. Des tubéreuses en robe de nuit, fauchées en pleine jeunesse et que l’on embaume pour en préserver l’arôme. Mais le thanatopracteur-docteur Ramzi, trop beau pour être honnête, cueille trop de fruits sans s’en défendre... Sous sa protection, sous son emprise, le jeune Kassem va de surprises en désillusions, et cherche désespérément un père et une identité tangible. Le manipulateur et l’antihéros. Un cocktail détonnant, surprenant savamment dosé par Maryse Condé.
Rares sont les romans qui incarnent autant de genres, autant de préoccupations. Sur fond d’intrigue digne d’un polar, flirtant avec les codes du roman d’apprentissage, l’écrivain interroge le sens des origines, la filiation, les liens - bien lâches - du sang, l’obstination à se reconnaître dans un groupe, l’absolutisme politique, l’obscurantisme religieux, la fidélité... Le tout sur le ton de la légèreté, car l’humour, pour Maryse Condé, relève d’une véritable philosophie. L’écrivain interpelle son lecteur, blague, se moque même de son jeune héros et de son enracinement incertain, opportuniste. Elle tourne en dérision tout un monde marqué par le terrorisme, l’émigration sud-nord, le tourisme de masse, les amalgames, le délit de faciès, etc.
Rien ne fait peur à Maryse Condé. Surtout pas les mots, qu’elle envoie valser sans manière, incroyablement moderne, tant dans son sujet que dans sa liberté de langage. Un roman totalement postmoderne, pleinement conscient des fluctuations, des nouvelles réalités identitaires, de l’élargissement de l’univers de chacun. Sous la plume de Maryse Condé, la tragicomédie ne manque pas de sel ni de piquant. Elle enchaîne rebondissements et mésaventures, sans relâche, dans un tourbillon fantaisiste et jubilatoire.
Les Belles Ténébreuses de Maryse Condé
Editeur : Mercure de France
Publication :10/4/2008