Vu de l'extérieur, on pourrait dire que la famille Romer est une famille normale, qui connaît des hauts et des bas, mais a réussi à traverser la seconde guerre mondiale sans trop de dégâts, si ce n'est pour la grand-mère maternelle, défigurée par une bombe, et l'oncle Helmut, à qui le front a laissé quelques traces psychologiques. Mais les biens ont été sauvé, et tout le monde a survécu, et c'est là l'essentiel.
Vu de l'intérieur, les Romer connaissent pourtant l'enfer : le grand-père paternel, visionnaire, plein de projets, échoue dans toutes ses entreprises, et finit emporté par une tumeur au cerveau. Papa Schneider, le grand-père maternel, laisse sa vie sur une table d'opération, pour une intervention pourtant bénigne. Hildegard, la mère, est une femme amoureuse mais éprouvée. Après avoir vécu la guerre en allemande sans jamais être tombée dans le nazisme, elle vit au Danemark où elle a rejoint son mari à Nykøbing. C'est une ville calme, mais « quand on est dedans, on ne peut pas en sortir, et quand on est dehors, on ne peut y entrer ». Alors, lorsqu'on a un secret, il ne perdure pas longtemps en ces lieux ! Mme Romer est considérée comme une « Bosch », une « sale allemande » qui ferait mieux de retourner d'où elle vient. Dans les années d'après-guerre, le ressentiment est grand envers les allemands, jugés responsables de toutes les privations dues aux occupations. La scène des courses, où les commerçants lui fournissent des produits périmés, par pure acte de méchanceté est saisissante. Seule, elle se met à boire, et à ressasser ses souvenirs. Le père lui, tente de sauver les meubles, fait mine d'ignorer :
« nous vivions dans la solitude, séparés du monde entier, mes parents n'avaient pas d'amis, pas de connaissances, ne fréquentaient personne. [...] les autres avaient coupé la branche que nous constituions. Aussitôt je me les imaginai en train de manier la hache, je vis le sol jonché de nos corps démembrés - une cruauté qui me semblait incompréhensible. »